- Fin d'hiver - Printemps 2021 -
En bordure de Sèvre niortaise, là où le fleuve commence à prendre ses aises pour former le Marais Poitevin, le sol de ce jardin hésite entre la terre noire maraichine et celle de la butte calcaire de Magné, la première du chapelet d’îles de l’ancien golfe des Pictons. On y accède par le halage devenu piste cyclable reliant Niort à Coulon.
Cette chronique a pour modeste ambition de vous faire partager les mille et une petites choses qui, jour après jour, animent le potager et ses allées. Merci à « Plan de jardin - Jardin biologique » de l’accueillir. Et au père Narcisse pour ses précieux conseils.
Retrouver le jardinier du marais poitevin sur son blog pour de belles découvertes.....
7 avril 2021
Quel superbe bleu ! Intense, profond. Puis discrètement violacé au centre. Par petites grappes au pied des haies, les coroles étoilées du Grémil bleu pourpre (Buglossoides purpurocaerulea) ont quelque chose de fascinant pour les butineurs. La promesse de nectar semble aussi grande que l’entrée du calice est étroite !
La couleur pourpre évoquée par le nom vernaculaire tient aux fleurs encore en bouton, mais aussi au long tube nectarifère à l’arrière de la corole. Quant aux fines feuilles lancéolées, d’un joli vert bien franc, elles concourent à la présence très graphique de cette sauvageonne printanière. Elles étaient jadis récoltées et séchées en vue d’une infusion. D’où l’appellation populaire de Thé d’Europe.
En fleurs tout le printemps, le Grémil drageonne de toutes parts et finit par constituer un magnifique (mais envahissant) couvre-sol. Il s’acclimate très bien au jardin où il apprécie les expositions ensoleillées. Actuellement, au bord des chemins, il fait bon ménage avec la Stellaire hollostée, le Gléchome lierre terrestre et la Bugle rampante.
5 avril 2021
L’amour ne tient parfois qu’à un fil… En l’occurrence, le long style verdâtre d’une fleur de mirabellier ! Madame Abeille charpentière (Xylocopa violacea) y accroche ses mandibules. Le temps de se décider.
Car ce n’est pas le premier mâle qui tente ainsi sa chance. Vite éconduits. Cette fois, ce pourrait être le bon. Oui mais, comment faire, dans cette improbable position ? Le tandem s’envole bientôt. Toujours accolés, Monsieur et Madame ne vont pas très loin. Le premier bouquet de fleurs venu fait l’affaire. Pourvu qu’il soit possible de s’y agripper confortablement.
Après une étreinte plus expéditive que romantique, le butinage reprend ses droits. C’est que Madame va plus que jamais avoir besoin d’énergie. Creuser un nid dans le bois d’un arbre mort. Y aménager les cellules des futures larves. Les approvisionner en nectar et pollen… Pour un passage de relais prévu en fin d’été. Et la nouvelle génération passera alors l’hiver en dormance. À l’abri de quelque terrier de rongeur ou d’un tas de bois. Jusqu’en mars-avril.
3 avril 2021
La Viole rouge (Spilostethus pandurus). Joli nom pour une punaise. Impossible de la confondre avec sa cousine la Punaise de la Jusquiame. Encore moins avec le Gendarme. Elle s’en distingue notamment par sa taille respectable. Un bon centime et demi. Hors antennes.
Pourquoi la Viole rouge ? Peut-être en raison des deux bandes verticales noires, fortement échancrées, qui marquent son corselet. La tache centrale rouge qui en résulte évoque (un peu) la silhouette de l’instrument de musique.
Peut-être aussi pour le côté baroque de son agencement coloré. Profusion de détails, courbes, contre-courbes : un savant désordre fait de contrastes et d’estompes. Depuis les élytres jusqu’à la petite tête pointue.
Mais la Viole rouge sait aussi faire preuve de sobriété. Elle porte une simple tache blanche sur la membrane de ses ailes sombres. Pas si difficile à identifier finalement. Un point, c’est tout.
2 avril 2021
Vaine exploration ici pour la petite Andrène cul-rouille. Il est vrai que les fleurs mauves du Gléchome lierre terrestre (Glechoma hereracea) ne se livrent pas à la première abeille sauvage venue ! Si le pollen y est facilement accessible, sur la croix blanche des anthères, à l’entrée de la corolle, c’est une tout autre affaire pour le nectar…
Il faut en effet une sacrée langue pour aller le puiser. Bien au-delà du vestibule veiné de pourpre qui annonce l’entrée de l’étroit et long, très long tube nectarifère. Le Gléchome a ainsi la générosité sélective. Il distille son trésor sucré notamment pour l’Anthophore à pattes plumeuses et le Grand bombyle. Sans oublier les papillons !
Pour son retour printanier, il rampe discrètement et dresse de loin en loin ses courtes hampes fleuries. Au pied des haies comme dans les parties enherbées du jardin. Une nouvelle sauvageonne pour varier le menu des butineurs. Du moins ceux qui ont la langue assez leste !
30 mars 2021
Elle partage avec sa cousine la Cardamine hérissée, les sobriquets de Cressonnette et de Faux-cresson. La Cardamine des prés (Cardamine pratensis), alias encore le Cresson des prés, est actuellement en fleurs sur les prairies humides du marais.
En touffes légères, elle forme çà et là d’élégantes colonies prises d’assaut par les premiers butineurs, abeilles sauvages et papillons. À commencer naturellement par la petite Aurore qui lui est inféodée et lui doit son nom latin, Anthocharis cardamines.
Quant aux noms populaires de cette jolie herbacée, ne vous bercez pas trop d’illusions ! Le goût épicé de la Cardamine - dont on ne récolte que les petites rosettes basales - rappelle certes le cresson. Mais il est trop puissant pour en faire un légume à part entière. Voilà cependant un bon condiment qui donne du peps aux salades. De la même manière, avec parcimonie, les petites fleurs rose violacé, légèrement veinées, apportent couleurs délicates et saveurs piquantes aux crudités du printemps…
28 mars 2021
Ces dernières années, on la voyait apparaître mi-mars, sur le mirabellier en fleurs. Mais, prudent, celui-ci semble mettre sa floraison en stand-by dans l’attente des gelées annoncées ces jours-ci. Alors, pour patienter, l’Andrène cinéraire, alias l’Andrène cendré (Andrena cineraria), jette son dévolu sur les pissenlits.
Il s’agit là d’un mâle. Bien plus corpulentes, les femelles n’ont en effet pas encore émergé. Double attente donc pour le petit monsieur ! Raison de plus pour prendre des forces. Mais, pour atteindre le précieux nectar, distillé au fin fond du capitule, le voilà entièrement poudré d’or. Ainsi va la pollinisation des pissenlits !
Parmi les abeilles sauvages du jardin, l’Andrène cinéraire se distingue par sa dominante poivre et sel. Si l’abdomen noir est quasi glabre, luisant, légèrement bleuté, le thorax est rehaussé de deux bandes de fourrure en broussaille grise. Avec une petite tête hirsute à l’unisson, tout ébouriffée de noir et de gris.
25 mars 2021
Le romarin a quelque chose de magique. Ses petites fleurs mauves n’ont en effet pas leurs pareilles au jardin pour retenir l’Anthophore à pattes plumeuses (Anthophora plumides). Et faciliter ainsi son observation. Car la petite abeille sauvage est d’ordinaire on ne peut plus fugace…
Particulièrement vive, elle ne tient pas en place, passe d’une fleur à l’autre et change de cap à donner le tournis ! Du moins prend-elle un peu plus son temps ici sur le romarin. Comme enivrée par un nectar si parfumé et revigorant. Une aubaine certains matins frisquets.
Trapue et de belle taille, avec une quinzaine de mm, elle présente une fourrure dense qui lui donne une allure de bourdon. Il s’agit ici d’un mâle dont la livrée grisâtre se réchauffe de fauve sur le thorax. Les femelles sont généralement plus sombres. À noter enfin, autre signe distinctif de Monsieur, les longues soies noires formant d’étranges franges sur les tarses des pattes médianes. D’où le clin d’œil de son nom vernaculaire.
22 mars 2021
On dirait une petite guêpe. Mais la Nomade à pattes orangées (Nomada goodeniana) est bien une abeille sauvage. Avec de larges bandes abdominales, une par segment, sensiblement rétrécies au centre. Une livrée noire et jaune, mâtinée de rouille sur les ailes, les pattes et les antennes.
Comme tous les membres de la famille Nomade, voilà une « abeille coucou » dont les pattes sont dépourvues de brosses de collecte. À quoi bon ! Pas besoin de récolter de pollen, en effet, quand il suffit d’aller pondre dans un nid déjà aménagé et approvisionné…
En ce début mars, entre deux festins sur les fleurs de pissenlit, Madame Nomade patrouille à la recherche d’un terrier-nurserie en cours d’installation. Avec une préférence pour ceux des Andrènes. Elle profite de l’absence de la maîtresse des lieux pour s’y introduire. Et y déposer ses œufs. Les larves ne se poseront pas de questions. Elles détruiront le couvain pour profiter d’un garde-manger bien garni !
Précieux pissenlits !
20 mars 2021
Quatre à cinq récoltes de tendres Dents-de-lion pour la salade. Pas de quoi mettre à mal, le moment venu, la généreuse floraison des pissenlits du jardin. Et c’est tant mieux ! Car, en attendant l’explosion blanche des fruitiers, c’est le régal garanti pour la trompe des premiers butineurs.
Même le Grand bombyle ici n’y résiste pas. Mais ce sont surtout les abeilles sauvages qui font bombance. Pour varier les plaisirs presque printaniers du romarin, des pruneliers des haies et de l’incontournable Ficaire fausse-renoncule.
Il est vrai que, si l’on veut des pollinisateurs bientôt pour les tomates, les fèves, les petits pois et les haricots, mieux vaut les habituer et les retenir très tôt au jardin. Et, pour cela, rien de mieux que les fleurs sauvages.
Alors, gare à la tondeuse ! Coupe haute pour ne pas abimer les rosettes et pas tout le jardin en même temps pour qu’il y ait toujours une partie enherbée en fleurs !
18 mars 2021
Avec son mauve lumineux, la première floraison des touffes de Scabieuse du jardin ne pouvait laisser les premières butineuses indifférentes ! À tout seigneur, tout honneur, évidemment. Le petit Halicte de la Scabieuse (Halictus scabiosae) n’a donc pas manqué ce rendez-vous inaugural. Aussi précoce soit-il.
Auparavant, les capitules de pissenlit l’ont poudré de pollen jaune, entre la visite des pâquerettes et celle de la phacélie. D’un mauve à l’autre.
Il s’agit ici d’une femelle. Fécondée l’été dernier, elle a hiverné et, malgré l’ambiance un peu frisquette de ce début mars, elle se met au travail sans retard. Aménagement d’un terrier, façonnage de petites loges, et, déjà, collecte de pollen pour approvisionner les futures larves. Les brosses des pattes sont efficaces ! La récolte va bon train.
L’Halicte femelle se reconnaît notamment à ses antennes coudées, mais, surtout, à ses doubles bandes feutrées abdominales. Jaune plus ou moins vif à l’avant, beige clair à l’arrière. Avec un court sillon longitudinal caractéristique à la pointe de l’abdomen.
12 mars 2021
Un arrière-train roux pour une abeille sauvage ou un bourdon ? On a ainsi déjà pu rencontrer au jardin l’Anthophore fourchue, l’Osmie cornue et sa cousine l’Osmie rousse. Mais également le Bourdon des pierres, le petit Bourdon des prés et le Bourdon grisé… Aucun risque de confusion cependant avec l’Andrène cul-rouille (Andrena haemorrhoa) ! L’attribut de cette très petite abeille solitaire est en effet le plus original qui soit : un discret toupet orangé à la pointe d’un abdomen par ailleurs noir luisant et quasi glabre.
Les soies des pattes aussi sont orangées. Et l’épaisse toison fauve de la face comme du thorax prend des reflets roux sous le soleil printanier. Avec moins d’un centimètre de long et une silhouette fluette, l’Andrène cul-rouille fait figure de gringalet au regard de la plupart des butineurs de ce début mars. Il n’en compte pas moins parmi les plus actifs.
10 mars 2021
Pourtant assez commun, le syrphe Meliscaeva auricollis n’a pas de nom vernaculaire. Avec la traduction de son épithète latine, auricollis, on peut toutefois tenter de l’appeler Syrphe à collier doré. Encore que ledit collier ne saute pas aux yeux ! Peut-être une allusion à l’arrière plat de la large tête, jaune pâle comme la face, formant un liseré plus ou moins doré à la jonction de l’étroit thorax aux sombres reflets métalliques.
Autres signes distinctifs : de grands yeux bordeaux, de longues ailes hyalines et de fines pattes jaunes cerclées de noir. Élancé et plat, l’abdomen retient évidemment l’attention, avec quatre paires de taches jaunes sur fond noir luisant. Les taches médianes sont parfois jointives, avec des bords postérieurs nettement obliques.
Très précoce, le Syrphe à collier doré installe sa progéniture dans les haies du jardin et sur les arbres alentour. Les larves y font la chasse aux pucerons, particulièrement sur le lierre, l’aubépine et le Saule marsault.
7 mars 2020
Début mars. Les parties enherbées du jardin commencent à se « réveiller ». Avant de sortir la tondeuse, il est temps de protéger les futures orchidées sauvages… Oh, pour l’heure, elles ne payent pas de mine ! Des rosettes encore rases, tapies parmi le couvert d’herbes, de mousses et de feuilles mortes.
Avec ce printemps prématuré, elles rongent leur frein alors qu’ici et là pissenlits, boutons d’or, violettes et primevères s’en donnent déjà à cœur joie. Il faudra patienter quelques semaines pour que ces dizaines de rosettes lâchent enfin la bride à leurs superbes et étonnantes hampes florales.
Ophrys abeille, Orchis pyramidal et Orchis bouc… Chaque printemps, le jardin accueille trois espèces d’orchidées sauvages. Au sortir de l’hiver, mieux vaut donc marquer l’emplacement de chaque spécimen, avec un simple piquet de bambou planté auprès de chaque rosette. Pour éviter les piétinements et, surtout, le moment venu, les coupes intempestives de la tondeuse !
Le Taupin sanguin
4 mars 2021
Les premières fleurs de prunellier sont d’ordinaire pour les abeilles sauvages et les papillons. Notamment l’Azuré des Nerpruns. Mais, dans la haie voisine du jardin, le Taupin sanguin (Ampedus sanguineus) aura été le plus rapide cette année. À peine écloses et déjà consciencieusement broutées par le petit coléoptère !
Très proche cousin de l’Ampède sanglant (Ampedus sanguinolentus), il lui ressemble beaucoup. Notamment par le rouge vif de ses élytres fortement striés. Le large fuseau noir a cependant ici disparu, réduit à une simple lisière plus ou moins marquée à la suture.
Comme tous les membres de la famille, notamment le Taupin des jardins, ses larves sont tristement célèbres sous le sobriquet de « Fil de fer ». Mais rien à craindre ici pour les racines des légumes et pour les pommes de terre ! La progéniture du Taupin sanguin préfère le bois mort et les racines des résineux.
28 février 2021
Inutile d’attendre donc. Même si, en théorie, nous ne sommes qu’au cœur de l’hiver : la cueillette des fines rosettes des « dents-de-lion » peut commencer !
À chaque saison ses trésors dans les parties enherbées du jardin. Il n’y a qu’à se baisser, un couteau en main, pour préparer le déjeuner. Parée et rincée à grande eau, la récolte s’accommode d’une simple vinaigrette, relevée d’une échalote ciselée et d’une pointe d’ail nouveau. Les premiers brins arrivent justement à disposition !
Évidemment, quelques lardons rissolés et une pincée de piment d’Espelette ne gâtent rien. Avec, suprême gourmandise, un œuf meurette au milieu.
21 février 2021
Familière du Marais poitevin, la Cigogne blanche apprécie plutôt les paysages ouverts. Particulièrement les vastes prairies des marais desséchés. À l’ouest de la Venise verte. L’exception confirmant la règle, c’est pourtant là, à quelques encablures du jardin, qu’un couple vient d’élire domicile, dans le marais boisé des Épineaux, entre Magné et La Garette.
La construction du nid va bon train. Au sommet d’un vieil arbre mort décapité par la tempête. Pas besoin d’aller chercher les matériaux très loin. Un récent chantier d’émondage de frênes têtards a laissé une multitude de branchettes à disposition.
Tant mieux. Monsieur et Madame ont ainsi tout leur temps pour explorer leur nouveau terrain de chasse. Entre deux parades nuptiales.
Le jeu n’est pas très discret. Avec de longs claquements de becs qui s’entendent loin à la ronde. Et d’étranges contorsions énamourées du cou… Tout cela à proximité d’une piste cyclable rejoignant Coulon. Heureusement, les prairies alentour sont encore gorgées d’eau après les inondations du début février. De quoi préserver quelque temps l’intimité du jeune couple !
Vivaces, annuelles, bisannuelles, vous aimez les fleurs, ces pages peuvent vous intéresser.
Le conseil d'amatxi :
Dès que la douceur va s’installer au jardin, les pucerons en colonies vont infester de nombreuses plantes. Pas de panique, il ne faut pas traiter pour quelques pucerons. Les larves de nombreux insectes auxiliaires en ont besoin pour se nourrir. Sortez le pulvérisateur uniquement en cas de forte infestation.
L'image de la semaine
Un plant de salade tout « flagada » ce matin. Pas besoin de gratter bien loin pour en trouver la cause… Une larve de noctuelle. Le fameux vers gris. Déterré, il se met en boule et fait le mort. Mais très vite, il essaie de s’enfouir, direction ici le plant de salade suivant. Mieux vaut ne pas le laisser faire. En quelques jours, il ferait son affaire de tout le rang de batavias !