26 février 2022
Fin février. Le jardin s’éveille. Sa chronique également ! Ainsi, après le couvert hivernal des planches du potager, la Moutarde blanche (Sinapis alba) accueille les premiers butineurs. Il est vrai que le thermomètre passe désormais régulièrement les 10°. Du moins l’après-midi.
Mais il ne suffit pas que le soleil prenne des allures printanières. Encore faut-il pouvoir se gorger le jabot de nectar. Et charger ses pattes de pollen ! Or, les pâquerettes sont encore timides et les pissenlits tardent un peu.
Certes, ici et là, Mouron des oiseaux, Véronique de Perse et Cardamine hérissée font ce qu’ils peuvent. Le Romarin aussi. Mais, pour que bientôt la cohorte des abeilles, des bourdons, des syrphes et des papillons trouve et apprécie le chemin du jardin, mieux vaut qu’un solide comité d’accueil se mette très tôt en place. C’est une des fonctions de l’engrais vert semé à l’automne. Encore vigoureux au sortir d’un hiver relativement clément, le voilà qui fleurit en abondance. Qu’on se le dise !
28 fevrier
Le printemps est en route. En témoignent, déjà, les superbes corolles violacées de la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris) sur les prairies humides du marais. Au bord des chemins aussi, comme ici, à proximité du port de Courdault.
Voilà une silhouette gracile jusque dans les longues feuilles lancéolées qui alternent sur la frêle hampe. Et celle-ci semble ployer sous la charge des clochettes à damier. À vrai dire, même en boutons, les fleurs ne sont jamais dressées. Le port retombant est leur marque de fabrique. Comme leur robe incomparable.
Particulièrement précoce cette année, la floraison s’étalera jusqu’à la fin mars. Les premiers butineurs ne tarderont pas à s’enhardir. D’autant qu’ici et là les jupons commencent à s’entrouvrir et dévoiler de longues étamines jaunes chargées de pollen.
Cela dit, comme la Tulipe sa cousine, la Fritillaire pintade compte aussi sur ses bulbes pour faire perdurer et développer ses colonies. Pourvu que la terre tourbeuse du marais reste humide !
L’Éristale en éclaireur
2 mars 2022
Pas encore de syrphes à l’horizon. Sinon un de leurs cousins, le solide Éristale tenace (Eristalis tenax), un des bunineurs les plus précoces. Alors que bourdons et abeilles sauvages se font attendre, il est arrivé au jardin avant même les abeilles domestiques auxquelles il ressemble un peu.
Il est toutefois plus massif. Et parfaitement inoffensif ! Il s’en distingue notamment par un épais abdomen noir, deux taches orangées en sablier sur le deuxième segment, de gros yeux sombres et de courtes antennes sur une face triangulaire blanchâtre barrée de noir.
Peu flatteurs, ses noms populaires — Éristale gluant ou Mouche pourceau — ne le concernent pas directement. Lui est plutôt fin gourmet. De fleur en fleur. Avec nectar et pollen au menu. Quand ses larves ont un régime il est vrai moins délicat : trous d’eau fangeux et fossés envasés dont elles favorisent l’épuration en absorbant leurs matières organiques. À chacun et chacune sa gourmandise !
L’Andrène et les pâquerettes
5 mars 2022
Quand les pâquerettes commencent à illuminer les allées du jardin, l’Andrène à pattes jaunes (Andrena flavipes) ne saurait tarder. Le Voilà ! Tout juste émergé sans doute, il semble encore tout engourdi. Priorité donc aux corolles les plus ensoleillées pour s’y gorger de nectar !
Consciencieusement, lentement, il tourne en périphérie du cœur jaune pour en explorer les fleurons les plus épanouis. Ce faisant, il se laisse volontiers approcher et admirer. Abdomen noir rythmé de fines bandes claires. Pourpoint brun-roux en broussaille peu fournie. Et - puisqu’il s’agit ici d’une femelle - manchon de soies jaune orangé aux tibias arrière pour la collecte du pollen.
Cela dit, de fleur en fleur, la collation sucrée aidant, le rythme s’accélère. Et la patience de l’Andrène atteint bientôt ses limites. Marre de cette silhouette qui lui colle aux basques ! Cap à l’autre bout du potager. Des pâquerettes toujours. Mais aussi des pissenlits. Allez, bienvenue au jardin !
7 mars 2022
On ne dira jamais assez l’importance des plantes sauvages. Notamment des pissenlits, généreuse source de nectar et de pollen pour les abeilles solitaires émergentes au sortir de l’hiver. Particulièrement la petite Osmie cornue (Osmia cornuta), une des toutes premières butineuses, sur le pont dès fin février début mars.
Évidemment, les pissenlits ne manquent pas sur les prairies alentour. Mais à quoi bon installer des « hôtels à insectes » au jardin si les abeilles ne trouvent pas de nourriture sur place ? Or, c’est encore bien trop tôt pour les arbres fruitiers ou les massifs fleuris. En attendant, vivent donc les sauvageonnes au jardin ! Au pied des haies comme dans les allées et les parties enherbées du potager.
Petit gabarit et barbichette claire, court abdomen roux et pourpoint noir, Monsieur Osmie cornue prend ainsi des forces pour être au taquet lorsque ces dames, à leur tour, sortiront du nid. Nettement plus costaudes, ce sont elles qui portent les fameuses « cornes » faciales auxquelles l’espèce doit sont nom. Elles émergent une dizaine de jours après les mâles. C’est pour bientôt.
9 mars 2022
Comme par magie, un beau matin, les haies alentour s’illuminent de blanc. Prunelliers et autres prunus : une avalanche de petites fleurs par millions. L’éphémère abondance de nectar galvanise les premiers butineurs. Finie la dormance hivernale. Haies et papillons à l’unisson !
À commencer par les grands voiliers qui ont besoin de se requinquer. Après plusieurs mois de jeûne sous une litière de feuilles mortes, au creux d’une épaisse couverture de lierre ou dans quelque recoin d’une cabane de jardin… Voilà donc la grande tortue, le Paon du jour, le Vulcain et Robert le Diable.
Sans oublier ceux qui viennent tout juste de naître après une hibernation sous forme de chrysalide. Le familier Tircis et le délicat Azuré des nerpruns par exemple.
Le printemps est lancé. Si la première floraison des haies ne dure guère, l’aubépine prendra bientôt le relais. Et mirabelliers, poiriers comme pommiers sont déjà dans le starting-block au jardin.
Elles sont arrivées !
12 mars 2022
On a vu l’autre jour Monsieur Osmie cornue (Osmia cornuta) prendre des forces auprès des généreux pissenlits du jardin. L’immuable scénario se renouvelle ainsi chaque fin d’hiver. Les mâles émergent les premiers, se gorgent de nectar et piaffent d’impatience en attendant leurs belles…
Les voici enfin ! Plus costaudes. Jusqu’à un centimètre et demi quand ces messieurs ne dépassent guère le centimètre. Même livrée bicolore : roux flamboyant pour l’abdomen et noir franc pour le thorax. Et la tête. Les femelles se distinguent en effet par une fourrure faciale noire d’où émergent les deux petites cornes emblématiques de l’espèce.
Pas de cornes chez les mâles, mais une houppette grise ! À quoi bon ? Seules les femelles sont ainsi équipées pour « maçonner ». Façonner de la boue et cloisonner l’intérieur du nid. Tasser pollen et nectar au fond de chaque cellule avant d’y pondre. Puis refermer le nid d’un mélange compact de boue et de petits cailloux.
Une dizaine de cellules soigneusement aménagées et approvisionnées, le plus souvent dans une tige creuse. De ronce par exemple. Un sacré boulot. Mission accomplie. L’Osmie se laisse alors mourir. Comme Monsieur sitôt l’accouplement.
15 mars 2022
Fécondées l’automne dernier, les jeunes reines des bourdons ont passé l’hiver sous une litière de feuilles mortes, dans quelque terrier abandonné par un rongeur, sous un tas de bois ou dans un recoin de la cabane du jardin. Elles viennent d’émerger et, déjà, les voilà au travail !
Pas de temps à perdre en effet. Car chacune est seule et il y a tant à faire. D’abord prendre des forces. Puis prospecter les alentours à la recherche d’un lieu sûr où fonder une colonie. Selon l’espèce, un terrier, un tas de bois morts, un éboulis de pierres voire à même le sol à l’abri d’une grosse touffe d’herbe.
Premières cellules de cire, premières réserves de pollen, premiers œufs… Si tout va bien, les premières ouvrières naîtront dans trois à quatre semaines. À elles désormais d’entretenir et d’alimenter le couvain. Plus besoin de butiner ! Uniquement de pondre encore et toujours. Jusqu’à la fin de l’été. La colonie ne produira dès lors plus d’ouvrières, mais, avant de péricliter, des mâles puis des femelles appelées à prendre le relais au printemps suivant.
19 mars 2022
Dans la famille des Azurés, alias les « Petits bleus », voilà bien le plus précoce. Depuis une quinzaine de jours déjà, l’Azuré des nerpruns (Celastrina argiolus) visite les haies en fleurs. Il y affectionne particulièrement les prunelliers. Et lorsqu’il s’aventure au jardin, c’est plutôt pour siroter le nectar de la Moutarde blanche. En attendant l’explosion des fruitiers.
Une femelle ici, bien reconnaissable lorsqu’elle ouvre les ailes, avec la large bordure noire des antérieures. Celle des mâles est en effet beaucoup plus étroite. Autre caractéristique de l’espèce, toujours sur fond bleu soutenu, presque violacé : la bordure pointillée des postérieures. Même revers des ailes d’un sexe l’autre, bleu très pâle, presque gris, animé de mouchetures éparses.
Il s’agit là de la génération printanière. Visible jusqu’en mai-juin. La génération suivante, à partir de juin-juillet, perdurera jusqu’en automne. Et ses chenilles passeront la mauvaise saison sous forme de chrysalides. Pour une émergence programmée aux tout premiers beaux jours.
21 mars 2022
La bourrache est vraiment bonne fille ! Voilà deux ans, quelques vieilles carcasses avalent passé l’hiver sans trop d’encombres pour ramifier à nouveau et refleurir dès début mars. Avant même que l’habituel semi-naturel ne lève ! Une aubaine pour les premiers butineurs du jardin.
Belle variante cette année après un automne puis un hiver particulièrement favorable. Ainsi, quelques graines de l’été ont pu lever en novembre et se maintenir à l’état de rosette sans souffrir du gel. Il est vrai qu’en décembre un sérieux éclaircissage avait sélectionné les plans les plus vigoureux.
Ils n’auront pas attendu le printemps pour élancer leurs solides hampes. Et fleurir. À point pour la jeune reine du Bourdon des prés qui déjà, les pattes arrière chargées de pollen, s’affaire à l’approvisionnement de sa colonie naissante.
Tout juste émergées, l’imposante Abeille charpentière et la petite Anthophore plumeuse profitent également de cette nouvelle manne. Alors qu’ici et là le semi-naturel commence à pointer. Pour un peu, on le croirait en retard ! Décidément, la bourrache ne manquera pas cette année.
25 mars 2022
Voilà une jolie mouche familière du jardin au printemps. Si familière qu’on s’étonne de ne pas lui trouver de nom populaire. Va alors pour son appellation scientifique, Mallota fusiformis ! En forme de fuseau donc. Mais un fuseau quelque peu hirsute dont les éclats colorés retiennent l’attention sous le soleil de cette fin-mars.
Ceinture jaune et « cul roux » : on songe bien sûr au petit Bourdon des prés dont les jeunes reines sont déjà sur le pont depuis quelques semaines. Mais c’est bien une mouche. Avec de gros yeux sombres et velus. Disjoints ici puisqu’il s’agit d’une femelle qui arbore en outre un toupet touffu fauve sur le dessus de la tête.
Et une paire d’ailes caractéristiques. Repliées à 45° lorsqu’elle butine, elles sont barrées d’une tache sombre et présentent une nervure médiane échancrée en V : la marque de fabrique de la famille des éristales.
Les larves de la Mallota fusiformis se développent dans les cavités des vieux arbres et participent ainsi à la décomposition des bois morts. Jolie et utile !
27 mars 2022
Fin mars. Le soleil aidant, les petits syrphes familiers du jardin sont pour la plupart de retour. À commencer par l’un des plus tranquilles et des plus resplendissants d’entre eux. Le Syrphe du groseillier. Il n’a que l’embarras du choix. Entre poiriers, pommiers et mirabellier en fleurs !
De corolle en corolle, comment résister à la tentation des bouquets d’étamines ? Du pollen à foison. Il prend alors tout son temps et se laisse volontiers approcher.
De gros yeux rouge bordeaux, un thorax bronze à la patine dorée, un abdomen plat jaune dessous, noir dessus, scandé de lunules jaunes disposées par paires. Les deux premières disjointes, les suivantes accolées avec un trait orangé pour en marquer la soudure.
Comme son nom le suggère, ses larves friandes de pucerons se développent sur les groseilliers. Mais pas que. Pommiers, pruniers, cerisiers, pêchers… Inutile de lui monter le chemin ! Chaque femelle déniche elle-même, pour y pondre, les colonies naissantes de pucerons sur les fruitiers. Sa progéniture n’aura qu’à se servir !
La Nomade poils-de-carotte
31 mars 2022
Ses bandes jaunes abdominales accentuent une allure de petite guêpe. L’étranglement bien marqué entre thorax et abdomen aussi. Mais quelle couleur dominante ! Jusqu’aux pattes, aux antennes, aux ailes... Et même les yeux. La Nomade poils-de-carotte (Nomada lathburiana) est une étrange abeille. Rouille, voire brique pour l’éparse pilosité thoracique.
Elle vient d’émerger depuis quelques jours et fréquente assidûment les fruitiers du jardin. Mâles et femelles ont à peu près la même taille. Difficile de les distinguer. D’autant que Madame ne porte pas de brosses collectrices de pollen aux pattes arrière. Pas la peine : c’est une abeille-coucou !
Elle installe ainsi sa progéniture dans le nid terricole d’une autre abeille. Plutôt du genre andrène. Notamment l’Andrène cendré dont la livrée noire et grise est également très présente en cette fin mars au verger.
Il lui suffit d’être patiente. De guetter à proximité du terrier l’absence de la maîtresse des lieux. Quelques secondes pour aller y pondre. Ses larves se développeront aux dépens du couvain et de ses réserves. Pour émerger à la fin de l’hiver prochain.
4 avril 2022
Dans la grande famille des Phalènes, les boarmies ont mauvaise réputation. À l’image surtout de la Boarmie des bourgeons (Boarmia gemmaria) dont le surnom - Mange bourgeons - illustre bien les ravages causés à la vigne au moment du débourrement. Rien à craindre de ce point de vue avec la Boarmie pétrifiée (Menaphra abruptaria) qui installe sa progéniture sur les feuilles de prunus, de troènes voire de lilas.
Bordées d’une délicate frange, les ailes de ce papillon de nuit évoquent - d’où son nom - une paroi rocheuse où alternent les couches beiges et ocre, parcourues de fines veines brunes.
Il vient d’émerger après un hiver passé sous forme de chrysalide. Las ! Si les températures presque estivales de la fin mars l’ont enhardi, quel contraste avec les premiers jours d’avril… Voilà la boarmie, aplatie sur l’herbe du jardin, qui tente de conjurer la bise au soleil de midi. Doublement pétrifiée !
L’Osmie bleuissante
6 avril 2022
Voilà une abeille sauvage bien différente de ses deux cousines, l’Osmie rousse et l’Osmie cornue, traditionnellement sur le pont avant même le Mardi gras. L’Osmie bleuissante (Osmie caerulescencs) est nettement moins précoce. Elle émerge aux alentours de Pâques. Quand le printemps est déjà bien sonné.
Pas de cornes. Ni d’éclatante fourrure fauve ou brique. Mais de timides filets de soies grises sur l’abdomen et de petites touffes cendrées sur les côtés du thorax et sur la face. Le tout sur une cuticule noire, luisante, aux reflets bleutés. Du moins pour la femelle.
Car le mâle s’en distingue par une abondante fourrure thoracique et faciale roussâtre. Comme en écho aux reflets bronze cuivré de son abdomen. Il est aussi beaucoup plus petit. Il faut dire que Madame arbore notamment une sacrée grosse tête !
Dans la famille Osmie, la collecte du pollen passe par une brosse ventrale. Ni orangée ni rouge, elle est ici plus discrète, entièrement noire. Puisque l’accouplement vient d’avoir lieu, la récolte va bientôt commencer.
8 avril 2022
On ne va pas se plaindre de la pluie. Hier encore, les beaux jours à peine revenus, la sécheresse guettait en effet le jardin… Déjà ! Mais si l’eau est bienvenue, les averses incessantes et la bourrasque malmènent désormais les arbres fruitiers. Quelques jours à peine après la sévère offensive printanière du gel. La floraison rescapée pourrait bien finir par couler.
Et pourtant, entre les deux épisodes, les butineurs s’en donnaient à coeur joie dans les pommiers ! Même les cerisiers semblaient promis à l’abondance. Il est vrai que les bouquets de boutons blancs avaient sagement attendu le redoux avant de s’épanouir. Les voilà impitoyablement secoués et douchés.
Heureusement, mirabellier et poiriers semblent avoir eu le temps d’être suffisamment fécondés avant que le ciel ne fasse des siennes. Quoi qu’il en soit, pour le moins, il ne devrait pas y avoir de surcharge cette année au verger ! On se consolera avec une terre profondément humide. Idéale bientôt, le retour du soleil aidant, pour les semis et plantations de printemps.
12 avril 2022
Combien de fois a-t-il arpenté le bord des haies du jardin, et des prairies alentours, avant, enfin, de trouver l’âme soeur ? C’est à peine si Monsieur Aurore (Anthocharis cardamines) prenait le temps de siroter un peu de nectar sur la Cardamine des prés ou l’Alliaire officinale. Furetant, chassant les autres mâles de « son » territoire, errant dans une interminable quête…
Et, d’un coup, bingo ! Blanche tachée de noir aux antérieures, marbrée de gris aux postérieures. La belle va-t-elle se laisser séduire ? Ni fuite, ni agressivité. Sur une feuille de Cornouiller sanguin, l’abdomen retroussé frémit même comme une invitation. La parade nuptiale peut commencer.
Pas de précipitation ! Voleter tout autour, de plus en plus près, avec des mouvements sans équivoque de l’abdomen. Même longueur d’ondes côté phéromone. Contact. Et, brusquement, les deux complices s’envolent, toujours accolés, pour aller conter fleurette ailleurs. Loin de l’objectif du photographe. Un peu de pudeur que diable !
L’Eucère à longues antennes
15 avril 2022
Son nom relève du pléonasme. Car, dans la famille de l’Eucère à longues antennes, alias l’Eucère longicorne (Eucera longicornis), tous les mâles arborent ces spectaculaires attributs. Plus longues que le corps ! À défaut de spécificité, voici donc l’espèce emblématique.
Son pourpoint roussâtre déborde sur les premiers segments de l’abdomen et sur le dessus de la tête. Un peu hirsutes, les touffes faciales tirent davantage vers le fauve, tant au front qu’aux joues, noyant parfois le clypéus jaune.
Monsieur vient tout juste d’émerger. Alors que, comme l’Osmie cornue ou l’Anthophore plumeuse, certaines abeilles sauvages sont sur le pont depuis la fin de l’hiver, lui attend traditionnellement que le printemps s’installe vraiment. Il devra patienter encore quelques semaines avant l’arrivée de ces Dames. De quoi ronger son frein et céder bientôt à la supercherie de l’Ophrys abeille. La superbe orchidée sauvage s’apprête en effet à jouer les illusionnistes avec ses corolles aguicheuses. Autant de sex-toys à l’attention des Eucères. Pour des pseudo-copulations qui véhiculeront le pollen de fleur en fleur.
17 avril 2022
Parmi les andrènes familiers du jardin, c’est loin d’être le plus précoce. Ainsi, ses cousins à pattes jaunes ou au cul-rouille se sont accouplés voilà quelques semaines déjà et leurs femelles approvisionnent actuellement leurs nids. Et alors ? On n’est que mi-avril ! L’Andrène des crucifères, alias l’Andrène agile (Andrena agilissima) vient donc d’émerger.
C’est un des plus costauds de la famille. Son gabarit massif - environ 1,5 cm - rivalise avec l’abeille domestique ! Une dominante noire légèrement bleutée sur l’abdomen, une fourrure thoracique grise clairsemée, quelques échos touffus sur le front, les joues et les côtés de la pointe abdominale. Il fait irrésistiblement songer à un autre de ses cousins. L’Andrène cendré. Mais, entre autres distinguos, loin d’être hyalines, les ailes sont ici fortement fumées avec des reflets métalliques violacés.
Dépourvu de brosses blanches collectives de pollen aux pattes arrière, c’est là un mâle. Attablé sur la planche de moutarde blanche, il fait honneur à son nom populaire. Mais, en ce début de printemps, on peut également le rencontrer sur l’aubépine des haies comme sur les derniers fruitiers en fleurs.
19 avril 2022
On a déjà rencontré ici l’Éristale bronzé (Eristalinus aeneus), alias l’Éristale aux yeux mouchetés, en automne, sur les capitules du Bident feuillé. Le revoici au printemps sur la sarriette en fleurs. Il est vrai que ce petit syrphe trapu est quasi omniprésent dans le marais. De mars à novembre.
Quelle que soit la saison, on est surtout frappé par ses yeux ! Énormes, beiges, mouchetés de brun rougeâtre. Pour le reste, la dominante est brun foncé, avec des reflets métalliques bronzés, voire cuivrés selon l’orientation. Si le thorax présente des zébrures crème, le court abdomen est dépourvu de taches. Finement velu, l’ensemble rutile sobrement au moindre rayon de soleil.
Voilà une mouche inféodée aux zones humides. Comme chez la plupart des éristales, ses larves se développent dans les mares, les baisses et les fossés peu profonds. Elles s’y repaissent des matières organiques en voie de décomposition.
La guêpe des araignées
20 avril 2022
Svelte, noire, les ailes fumées, les premiers segments de l’abdomen rouge-orangé et de très longues pattes épineuses… Voilà une petite guêpe de la famille Pompile qui compte une centaine d’espèces en Europe, très difficiles à distinguer entre elles. Pompile sp donc. Elle furète ici parmi les ombelles du cerfeuil sauvage. Ses longues antennes, toujours en mouvements, traquent inlassablement ses proies.
Car si les Pompiles butinent pour elles-mêmes, elles sont aussi de sacrées chasseuses ! Du moins les femelles. Pour nourrir leurs larves. Avec une cible privilégiée. Les araignées. Même les plus grosses tant les audacieuses n’ont peur de rien. Avec une seule stratégie : l’attaque et une piqure rapide. La victime est alors le plus souvent démembrée à coups de mandibules pour en faciliter le transport.
Une araignée et un œuf dans un nid creusé au sol. Encore et encore. La progéniture émergera en été pour s’accoupler aussitôt. Les mâles n’y survivront pas. Les femelles fécondées passeront l’hiver dans un terrier. Pour chasser les araignées au printemps.
22 avril 2022
À première vue, on jugerait une guêpe un peu replète ! Mais le Chrysotoxe prudent (Chrysotoxum cautum) est bien une mouche. Aussi robuste que parfaitement inoffensive. Membre de la grande famille des syrphes, il se laisse facilement approcher, notamment à l’occasion de ses longs bains de soleil.
Comme la guêpe commune, il arbore un costume noir rayé et taché de jaune, des ailes ambrées aux bordures orangées, des pattes jaunes aux fémurs noircis à la base… Il pousse en outre le mimétisme jusqu’à étirer ses solides antennes, très longues pour une mouche, dressées à l’avant d’une face triangulaire jaune… Mais, en bon syrphe, il arbore d’énormes yeux réniformes, un thorax barré de gris et un scutellum en demi-lune, bien contrasté, en l’occurrence jaune taché de brun roussâtre.
Voilà un auxiliaire bien utile du jardin ! Ses larves se développent en effet dans le sol où elles traquent les pucerons des racines. Notamment ceux des laitues et des carottes !
Un syrphe, trois bourdons
25 avril 2022
Comme chaque printemps à la mi-avril, le Syrphe des narcisses, alias le Syrphe cavalier (Merodon equestris) fait son apparition au jardin sur la planche des aromatiques. Plus précisément sur la sarriette en fleurs. La silhouette massive, le vol bruyant, la fourrure dense et colorée : on dirait un petit bourdon. Ou plutôt trois !
Car le mimétisme est ici assez sophistiqué. Une même espèce de mouche, mais trois « costumes » différents selon les individus. L’important étant sans doute de ne pas banaliser la supercherie pour mieux impressionner les prédateurs potentiels.
L’effet est assez saisissant. Surtout en cette saison où les reines bourdons donnent le relai à leurs premières ouvrières, hyper actives, mais encore de petite taille, pour l’approvisionnement de leur colonie naissante.
Roux et fauve pour le Bourdon des champs, collier jaune et « cul roux » pour le Bourdon des prés, collier jaune et « cul grisâtre » pour le Bourdon terrestre. Trois formes bien distinctes, mais des caractéristiques rigoureusement identiques par ailleurs. Notamment les tibias arrière épaissis et arqués qui valent à l’espèce son qualificatif de « cavalier » (equestris).
27 avril 2022
Tant pis pour les côtes juteuses et acidulées ! Une fois n’est pas coutume, les solides hampes florales de la rhubarbe n’ont pas été sacrifiées ce printemps. Pour le simple plaisir de leurs hautes et voluptueuses inflorescences. Aussi lumineuses que celles de la Reine-des-prés. L’enivrant parfum en moins !
Les butineurs du jardin s’y régalent. Mais pas que. Les papillons comme le Flambé. Les abeilles sauvages comme l’Andrène à pattes jaunes. Bien sûr. Reste que les plus assidues sont les cétoines. Quel plaisir de venir là brouter ces bouquets de petites fleurs pour la robuste Cétoine dorée et ses familières cousines, la Cétoine grise et, plus petite encore, la Cétoine à tarière. Certaines s’y réfugient même le soir pour y passer la nuit !
Cela dit, inutile de laisser tout cela partir à graines. La souche appréciera bientôt d’être soulagée par un rabattage complet. Les pluies annoncées pour les jours prochains faciliteront la reprise. Avec de délicieuses tartes en perspective.
Les conseils d'amatxi :
Pensez à mettre un fagot de branches dans les bassins en bétons par temps de grand gel afin d’éviter qu’ils ne fendent.
Faites vos plantations d’arbres et arbustes tant que le sol n’est pas gelé.
Surveillez l'état sanitaire des bulbes et rhizomes mis à l'abri du gel.
Mettez des noyaux de pêche à stratifier.