- Automne 2022 -
En bordure de Sèvre niortaise, là où le fleuve commence à prendre ses aises pour former le Marais Poitevin, le sol de ce jardin hésite entre la terre noire maraichine et celle de la butte calcaire de Magné, la première du chapelet d’îles de l’ancien golfe des Pictons. On y accède par le halage devenu piste cyclable reliant Niort à Coulon.
Cette chronique a pour modeste ambition de vous faire partager les mille et une petites choses qui, jour après jour, animent le potager et ses allées. Merci à « Plan de jardin - Jardin biologique » de l’accueillir. Et au père Narcisse pour ses précieux conseils.
Retrouver le jardinier du marais poitevin sur son blog pour de belles découvertes.....
17 novembre 2022
Rien d’étonnant à voire l’Halicte de la scabieuse butiner au beau milieu de l’automne. C’est en effet une des dernières abeilles sauvages du jardin. Cela dit, passée la saint Martin, elle est ordinairement déjà calfeutrée dans quelque terrier pour quatre mois d’hivernage. Mais à quoi bon s’enterrer quand les après-midi sont encore si doux !
Il s’agit ici d’une femelle. Une lapalissade en vérité puisque tous les mâles sont morts depuis belle lurette. Peu de temps après leur accouplement. En fin d’été. Ainsi, seules les femelles fécondées passeront l’hiver.
Avec leur long abdomen plat, rythmé de doubles bandes ocre et beiges, ces dames émergeront assez tôt en mars. Quelques congénères se regrouperont alors pour creuser un « puits » commun à partir duquel chacune aménagera et approvisionnera ses propres loges larvaires.
Las ! Les choses se compliqueront au moment de la ponte. Une des femelles finira pas s’imposer et chasser ses ex compagnonnes. Tout le travail préparatoire étant terminé, elle s’arrogera le privilège de déposer ses œufs dans chacune des loges. Une sorte de coup d’État.
12 novembre 2022
Peut-être est-ce un chardonneret qui en a véhiculé la graine jusqu’au jardin… Une large rosette de Cardère sauvage s’est ainsi installée sur une planche de vivaces. Le hasard faisant bien les choses, elle y voisine désormais celle de la Sauge argentée. Quel contraste ! Douceur duveteuse ici, gaufrage verruqueux et épineux là…
Car la nouvelle et solide rosette annonce la couleur. La future Cardère ne manquera pas de piquant. Dans tous les sens du terme. Avec, dès le printemps, de larges feuilles opposées et soudées, formant une coupe creuse propre à recueillir les eaux de pluie : le fameux Cabaret des oiseaux !
Puis, en été, des capitules hérissés de pics acérés entre lesquels s’épanouiront des petites fleurs mauves par milliers. Comme autant de cabochons sucrés, régals des abeilles sauvages, bourdons et autres papillons. La boucle sera bouclée en automne avec la maturation de graines à foison, dispersées par les oiseaux. De nouvelles rosettes auront alors tout l’hiver pour s’enraciner profondément avant de lancer leur puissante ramure au printemps.
9 novembre 2022
Un vrai sacerdoce. Pas de repos pour ce sacré romarin. Sinon brièvement cet été au plus fort des canicules puis autour du Nouvel An quand l’ensemble du jardin sera en dormance. Pour le reste, les butineurs peuvent toujours compter sur lui !
Bien sûr, en ce début novembre, on est loin de la pleine floraison. Avec malgré tout quelques centaines de petites fleurs très pâles. C’est à peine si l’on y distingue quelques veines bleutées.
Qu’importe ! Les commensaux ne sont pas si nombreux en cette saison. Principalement les futures reines Bourdon des champs qui prennent là des forces avant de se calfeutrer pour passer les mauvais jours.
Elles reviendront au sortir de l’hiver. Quand les après-midi ensoleillés reprendront de l’assurance. Les corolles davantage violacées du romarin distilleront à nouveau leur revigorante potion. Et les premières abeilles sauvages rejoindront les bourdons. Notamment l’Osmie cornue et l’Anthophore plumeuse, annonciatrices du printemps.
4 novembre 2022
Couvre-sol un peu envahissant au jardin, l’Achillée est réputée attirer les butineurs, en particulier abeilles et papillons. Mais pas que. Allez savoir pourquoi, Achillée et guêpes solitaires font aussi très bon ménage. Tous genres confondus.
Pour ne parler que des « jaunes et noires », toutes viennent ici au fil des saisons s’abreuver de nectar. Et chasser à l’occasion pour garnir le garde-manger de leur progéniture. Leurs proies ? Le plus souvent des chenilles, voire même des papillons adultes pour la petite Lestica clypeata par exemple qui jette son dévolu sur des ravageurs du genre pyrale.
Rien à craindre de leur dard. Elles s’en servent avec parcimonie. Uniquement pour anesthésier leurs prises. Il est vrai qu’elles n’ont ni reine ni colonie à défendre. Solitaires, elles maçonnent ou creusent chacune un nid discret sitôt rebouché et abandonné après la ponte du dernier œuf. Et la livraison du dernier casse-croûte.
31 octobre 2022
Moribonds au sortir de l’été, grillés par les canicules à répétition, les dahlias du jardin se sont finalement requinqués avec l’automne. Cela dit, plus fragiles qu’à l’ordinaire, leurs tiges ont grand-peine à porter leurs lourdes fleurs. Rouges, roses, jaunes, blanches, panachées…
Allez savoir pourquoi, le grand papillon sombre à la flamboyante couronne rouge-orangé semble avoir élu domicile dans ce coin du jardin. Avec une préférence pour les foisonnantes coroles roses. De là, il prend longuement le soleil et observe son " territoire “ . Pour mieux pourchasser les importuns. Et toujours il revient se poster sur un de ses lumineux trônes.
L’occasion d’admirer un discret détail de sa livrée. Quelques mouchetures bleutées en marges externes des antérieures, mais aussi à l’angle anal des postérieures.
Passé ce nouvel épisode de chaleur automnale, il sera bientôt temps pour le Vulcain de trouver un abri pour passer l’hiver. Il en sortira en mars prochain. Quand le mirabellier sera en fleurs.
28 octobre 2022
Les tordeuses ? Les petites chenilles de certains papillons de nuit qui se développent dans les haies, mais aussi au verger, sur les pommiers et les poiriers notamment. Elles y tordent et enroulent les feuilles pour s’aménager un abri. C’est le point de départ de leurs razzias, aux dépens du feuillage et des jeunes fruits.
Mais les feuilles enroulées constituent un refuge tout relatif. Notre chasseresse y voit évidemment un excellent indice de la présence de ses cibles. Anesthésiées, les proies sont alors transportées vers le nid : une tige creuse compartimentée en loges successives avec de la boue. Plusieurs dizaines de chenilles par nid ! Qui dit mieux ?
23 octobre 2022
Sur les asters du jardin comme sur la menthe des prairies alentour, l’Éristale des arbustes (Eristalis arbustorum) est fidèle aux standards du genre. Ainsi, avec une même silhouette trapue, excellents pollinisateurs, femelle et mâle se distinguent notamment par leurs gros yeux sombres, disjoints chez Madame, jointifs chez Monsieur.
Celui-ci présente en outre de larges taches jaunes dessinant par contraste une sorte de sablier noir à l’avant de l’abdomen. Or, ces taches sont à peine visibles, voire inexistantes, chez la femelle. Voilà qui rappelle notamment l’Éristale horticole, si ce n’est l’absence ici de zigzag noir sur les ailes hyalines. Tandis que des filets blanchâtres - et non jaunes - rythment les segments de l’abdomen.
Malgré son petit gabarit (moins de 1 cm), voilà - comme la plupart les Éristales - une mouche qui, en plusieurs générations, accompagne le jardinier quasi toute l’année. De la fin de l’hiver jusqu’au bout de l’automne. Pourvu qu’il y ait un peu de soleil. Et du nectar à se mettre sous la langue.
18 octobre 2022
Mais la silhouette est ici plus allongée et la bande noire médiane, moins large, n’est pas constituée d’une succession de losanges. Plutôt une suite de trois triangles effilés, le dernier se confondant avec la pointe noire poilue de l’abdomen.
Les curieux décèleront également des soies noires caractéristiques en lisière des yeux rouge-brun, sur une tête blanchâtre.
Comme la plupart de ses cousines tachinaires, elle parasite les chenilles terricoles de noctuelle. En déposant ses œufs au sol. À charge pour les larves de trouver « l’hébergement » ad hoc. D’y pénétrer pour s’en nourrir jusqu’à devenir elles-mêmes autant de mouches. Quelles noctuelles ? Il y en a tant et tant. La Peleteria rubescens reconnaîtra les siennes !
14 octobre 2022
Tout juste émergée et déjà parasitée ! La Charpentière et les acariens : triste de fable en vérité. Car le Xylocope violacé, alias l’Abeille charpentière (Xylocopa violacea), a beau prendre des forces sur le massif d’asters, il risque fort de ne jamais voir le printemps…
L’extrémité jaune-orangé des antennes trahit ici un mâle. Comme ses futures conquêtes, il est sorti du nid en août-septembre et s’apprête à hiverner. Il suffira alors d’un après-midi bien ensoleillé pour le faire sortir dès février-mars. Et les accouplements débuteront en mars-avril. Souvent dans les fruitiers en fleurs au jardin.
Hélas, à bien y regarder, ce scénario immuable semble compromis. Des dizaines de petits squatteurs se sont en effet agglutinés entre abdomen et thorax. Leur gangue brunâtre s’étend vers la naissance des ailes. Et ce n’est sans doute qu’un début. Les acariens vont ainsi se développer aux dépens de leur cible. Dans quelques semaines, à l’abri d’un terrier de rongeur abandonné où il comptera passer l’hiver, l’invasion des parasites lui sera sans doute fatale…
10 octobre 2022
On a déjà rencontré ici plusieurs de ses cousins familiers du jardin. Du petit Eumène pomiformis à l’impressionnant Eumène unguiculé. Dans une taille intermédiaire, actuellement sur le massif d’asters, la Guêpe potière méditerranéenne (Eumenes mediterraneus) adopte bien sûr l’élégante silhouette jaune et noire caractéristique du genre.
Petite tête triangulaire sommée de solides antennes ; thorax quasi sphérique ; long pétiole renflé puis étranglé ; suite de l’abdomen en forme d’une poire harmonieusement pansue. Quant aux dessins jaunes, subtilement différents d’une espèce d’Eumène à l’autre, on s’attardera surtout sur… les pattes ! Le détail est en effet assez facile à observer : des fémurs presque entièrement jaunes à l’avant, entièrement noirs à l’arrière et moitié-moitié aux pattes médianes.
Comme son nom l’indique, l’espèce est réputée méditerranéenne. En fait, la plupart des Eumènes, originaires du sud, apprécient la chaleur. Réchauffement climatique aidant, leur répartition s’est considérablement élargie. En l’occurrence jusqu’en Poitou. Et même en automne !
8 octobre 2022
Au printemps, ce spécialiste du ravitaillement en vol participe activement à la pollinisation des arbres fruitiers. On le voit notamment dès le mois de mars sur le mirabellier en fleurs. La très longue trompe du Moro-sphinx (Macroglossum stellatarum), alias le Papillon colibri, fait également merveille dans les haies, pour visiter le profond tube nectarifère du Chèvrefeuille.
Ce sont ses chenilles qui ont enduré les interminables canicules de l’été. Elles viennent de passer le relai à une génération automnale toujours aussi vive. Mais on est loin, hélas, de l’abondance printanière. Même si le jardin s’est un peu requinqué depuis quelques semaines. Qu’importe. Zinnias, cosmos et asters font très bien l’affaire.
Vivent donc les fleurs composées ! L’occasion d’admirer (rapidement) la spécialité du Moro-sphinx : le vol stationnaire. Comme suspendu au-dessus de chaque capitule. Pas un mouvement. Les ailes vibrent si vite qu’on ne les voit guère. Seule la trompe s’articule et passe d’un fleuron à l’autre. Quelques secondes et l’impatient part déjà siroter ailleurs !
5 octobre 2022
À vrai dire, même si le jardin se requinque un peu avec l’humidité de l’automne, l’Éristale horticole (Eristalis horticola) ne s’y aventure guère en ce début octobre. Les sources de nectar y sont rares en effet après quatre mois de canicules et de sècheresse. Alors vivent les prairies humides et leurs généreuses stations de menthe aquatique !
Avec son allure de petite abeille, ce syrphe se distingue par des couleurs abdominales bien tranchées sur fond noir brillant. Un filet jaune cercle ainsi chaque segment alors que deux taches triangulaires orangées dessinent un sablier noir sur le second. Enfin, les ailes hyalines présentent un zigzag transversal sombre plus ou moins diffus.
Comme la plupart des syrphes, voilà un virtuose du vol stationnaire. Notamment les mâles qui espèrent ainsi intimider leurs concurrents. Sinon, sauf à avoir des mouvements brusques, il se laisse volontiers approcher. Surtout lorsqu’il butine une inflorescence, en prenant son temps, fleuron après fleuron. Un pollinisateur consciencieux que l’on espère retrouver la saison prochaine au jardin.
2 octobre 2022
Encore une mouche qui avait passé son tour dans la touffeur de l’été ! La Phasie crassipenne (Ectophasia crassipennis) tente de rattraper le temps perdu en ce début d’automne. Malgré sa petite taille, moins de 1 cm, on la voit actuellement partout, au jardin comme dans les prairies alentour.
Il faut dire que son éclatante livrée est bien voyante. Et incomparable. Du moins celle du mâle. Avec un abdomen plat, particulièrement large, jaune d’or, souligné d’une épaisse bande longitudinale noire. La femelle est un peu plus discrète, avec deux larges demi-lunes latérales orangées et une pointe abdominale blanche sur fond noir.
Quel que soit le sexe, la Phasie se distingue encore par une tête plate démesurée, manquée par de gros yeux bordeaux, débordant très largement du thorax. On notera enfin la position de ses ailes, à demi relevées, lorsqu’elle butine. Des ailes à la naissance orangée puis fumées et parcourues d’épaisses lignes noires.
En retard donc mais bienvenue ! Car voilà un insecte auxiliaire dont le jardin ne saurait se passer. La femelle privilégie en effet les punaises pour installer sa progéniture. Un œuf par cible. Les larves y pénètrent et s’y développent. Elles y passeront désormais l’hiver, sous forme de pupes, pour émerger à la fin du printemps prochain.
29 septembre 2022
Allez donc redorer votre blason avec un qualificatif pareil ! Et ce n’est pas le nom populaire de l’Éristale gluant qui arrange les choses : la Mouche pourceau ! Pourtant, et comme pour se laver de l’affront, ladite mouche passe un temps fou, plusieurs fois par jour, à une toilette en règle au soleil…
En fait, ces sobriquets peu amènes visent plus particulièrement ses larves. Il est vrai que celles-ci se développent dans les eaux les plus troubles. Des fosses à purin aux mares croupissantes, asphyxiées de matières organiques. Guère plus, cela dit, que la plupart des autres membres du genre Éristale.
Comment faire oublier ces origines fangeuses ? En prenant des allures d’abeille domestique. Avec un pourpoint de fourrure fauve et un abdomen noir marqué de larges taches et d’un anneau jaune-orangé. Alors, butineur assidu de mars à novembre, cet auxiliaire ne mérite-t-il pas une dénomination plus flatteuse ? À la hauteur de sa contribution à la pollinisation du jardin. Autant s’en tenir à la simple traduction de son nom latin. Eristalis tenax. L’Éristale tenace donc.
27 septembre 2022
Malmenés tout l’été par sècheresse et canicules, les syrphes avaient quasi disparu du jardin comme des prairies alentour. Les voilà de retour avec l’automne. À commencer par l’un des plus jolis qui soient. L’Hélophile à bandes grises (Helophilus trivittatus). Au rendez-vous comme tant d’autres de l’incontournable menthe aquatique !
On est évidemment tout d’abord frappé par cet élégant corselet noir animé de quatre bandes gris-jaune, régulières et bien contrastées. D’où son nom. Mais ce qui distingue surtout l’espèce, ce sont les larges taches abdominales d’un jaune citron bien franc, suivies d’un grand W gris sur l’avant-dernier segment.
À noter enfin les ailes hyalines, les grands yeux bordeaux foncé, la face jaune pâle et les pattes bicolores. Majoritairement jaune-orangé pour les médianes et à l’avant. Majoritairement noires à l’arrière.
Ce syrphe-là est inféodé aux zones humides. Il confie sa progéniture aux fossés peu profonds engorgés de matières organiques. Pour sa part, il partage son temps entre butinage et farniente. Pour quelques semaines encore.
24 septembre 2022
Rien d’étonnant à rencontrer le Pentatome méridional (Carpocoris mediterraneus) sur les cosmos du jardin. Comme la plupart des punaises, il ne dédaigne pas le pollen. Mais sa véritable gourmandise, ce sont les graines en formation. Tendres et juteuses. Il les transperce de son rostre et les siphonne avec délectation.
Très variable d’un individu l’autre, du jaune-vert au rouille, sa livrée présente quelques caractéristiques bien visibles ici. Pronotum aux bordures antérieures jaunes et aux angles latéraux saillants tachés de noir ; premier article orangé pour des antennes par ailleurs noires ; pattes orangées tirant là vers le jaune.
On remarquera enfin quatre bandes sombres plus ou moins estompées partant de la tête. Elles se prolongent sur le pronotum et se perdent en taches diffuses sur le scutellum.
On est très loin de l’invasion ce début d’automne. Les oiseaux et les mouches tachinaires ont suffit à en réguler la population. Il est vrai qu’en figeant puis grillant le potager, sècheresse et canicules de l’été ont été peu favorables aux insectes piqueurs-suceurs.
Les conseils d'amatxi :
Pensez à mettre un fagot de branches dans les bassins en bétons par temps de grand gel afin d’éviter qu’ils ne fendent.
Faites vos plantations d’arbres et arbustes tant que le sol n’est pas gelé.
Surveillez l'état sanitaire des bulbes et rhizomes mis à l'abri du gel.
Mettez des noyaux de pêche à stratifier.